![]() Louis Chedid se souvient qu'«il y avait une énorme console artisanale, faite sur mesure je crois, un magnéto 3M. Ils installent dans leur salon un studio d'enregistrement dernier cri qu'ils surnomment la PAM – référence au nom de leur société, Productions Artistiques et Musicales. C'est fantastique, j'ai à ma disposition autant de musiciens que je veux et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit» (1972) ![]() J'arrive à donner l'impression d'un grand orchestre. J'ai des batteries électroniques, mes instruments. «J'ai commencé à travailler avec un tout petit magnéto. Continuant de se réinventer, les Salvador entendent désormais se passer de studios, d’ingénieurs, de producteurs, de musiciens! La décennie les verra sortir cinq albums: Les Aristochats, Blanche-Neige, Le petit Poucet, Robin des Bois et Pinocchio. Disney menace d'attaquer le chanteur pour son utilisation du nom de Zorro: elle retourne l'affaire à son avantage et empoche un contrat Disney-Salvador. Jacqueline est une redoutable femme d'affaires. Parfois, Henri sort son américaine pour faire la tournée des disquaires avec ses colporteurs. Le couple Salvador aborde les années 70 en confiance. Les clips faits maison sont diffusés dans des émissions télé qu'ils produisent eux-mêmes: Salves d'Or, Dimanche Salvador. Pourquoi Rigolo? «Parce que c'est rigolo», répondait-il. Sur tous les fronts il collectionne les hits, invente, parodie, adapte, produit. Un autre dans son bureau pour le Steinway. Il y aura toujours chez eux de quoi enregistrer une maquette. Les Salvador se familiarisent avec les ficelles de la production, de l'édition, du pressage, de la distribution et de la promotion. Henri brise tour à tour les chaînes qui l'unissent à Philips, Vogue, Barclay, son éditeur, son manager, son impresario, et devient autonome. Témoin du showbiz, Jacqueline constate que les artistes, écartés des discussions professionnelles, sont souvent spoliés. Elle imposera ses vues et son tempo frénétique. ![]() Quand il l'épouse en 1950, c'est une jeune femme discrète et érudite qui prendra peu à peu en main sa carrière. Jacqueline va le façonner et l'émanciper. ![]() Quand elle a une idée, pour ainsi dire, c'est une idée de moi!» (Télé Magazine, 1972) «Ma femme m'a tellement bien compris qu'à présent elle peut penser pour moi. Le blues du dentiste, Dans mon île, Syracuse. Sa gouaille laisse place à un talent multiforme, il remplit les salles, s'entoure de paroliers solides, enchaîne les classiques. Les années 50, il retrouve les airs des îles de son enfance, renoue avec le jazz, le swing, le blues. Il y développe son public et ses trucs: éclats de rire et séduction. Les années 40 sont celles de l'émancipation au sein d'orchestres où ses talents s'épanouissent. Les années 30 marquent son apprentissage. On ne sait jamais s'il est jeune ou vieux, on ne sait pas où le classer: jazzman, crooner, amuseur, compositeur, guitariste, chanteur pour gosses…Įnfant, il s'approprie la guitare sans connaître le solfège et devient si fort qu'il accompagne Django Reinhardt. Quand il sort Zorro est arrivéen 1964, il a 47 ans… et Jardin d'hiver, 83 ans. Pourtant, il a 26 ans de plus que Johnny Hallyday. Il est parfois associé aux yéyés, on dit qu'il a importé le rock en France (1956, avec Boris Vian). Il a connu chaque courant, chaque mode, en a inventé d'autres, s'en est approprié certains. Ce sont des chansons qui existeront après ma mort.» (1969)Ĭomment raconter Salvador? Soixante-dix années de musique, un millier de compositions couvrant tous les styles. «Malheureusement, les belles chansons ne font pas une carrière extraordinaire. A cinquante ans, Salvador se met aux synthés, aux boîtes à rythmes, aux multipistes, aux collages de voix truquées, au montage, au mixage et produit en solitaire depuis la place Vendôme des chansons pour petits et grands. C'est le parcours atypique d'Henri Salvador, qui le conduira à devenir une star puis à se marginaliser de tout le circuit du disque pour fabriquer sa musique depuis son salon avec ses guitares. Une vedette de la chanson qui tourne le dos au showbiz pour devenir artiste indépendant, téléguidé par les idées visionnaires de sa femme Jacqueline dans la France des sixties.
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